Je vous vois déjà venir avec vos vains mots
« Quelle est cette poésie avec ses vingt maux !
Des vers boiteux, avec des crevasses, des trous
Le rythme forçat, l’alexandrin qu’on écroue ! »
Je vous entends de loin avec vos cris stridents
« Il n’est pas poète, cela est évident
Quelle est cette façon de rassembler les vers
Et de tordre les mots à tort et à travers ! »
Je ressens déjà le souffle de votre haine
« Contre qui se bat-il ? Il me fait de la peine
Que veut il changer ? Le monde est déjà trop lourd
Pourquoi le crier encore ? Nous sommes sourds ! »
Certains d’entre vous me jetteront au bûcher
« Quel est ce fou ? Il faut le faire trébucher
Que connaît-il à l’art, il est là par hasard
Ignorons donc ce bavard dont les mots s’égarent »
Mais moi je vous dis, lorsque j’écoute le vent
J’entend battre son cœur, c’est un être vivant
Et ce livre que quelqu’un m’offre chaque jour
Je le donne aux hommes car il contient l’amour.
Vous parlez de vers ? Je parle d’humanité
J’écris pour ceux qui demandent la charité,
Pour ces gens dans l’ombre qui demandent un rayon
Et à qui le destin cruel met un bâillon.
J’écris pour l’homme, pour l’enfant et pour la femme
Trouvant chez moi ce que vous ne voyez pas : l’âme !
Que m’importe votre respect et tous vos prix
Ils sont de la cendre, le jour me l’a appris.
Que m’importe les feux des universités
Si mes strophes décorent les murs des cités ;
Le vers n’est pas à vous, il possède des ailes
Pour se poser partout, quand il est las du ciel.
Je n’écris pas pour vous, mais pour eux et les larmes
Qu’ils versent, font saigner ma plume, ma seule arme ;
Je n’écris pas pour vous, mais pour ceux que la nuit
Happe et dont les jours sont plus terribles qu’un puits.
Demain mon nom sera un spectre dans vos livres
N’étant pas baptisé par vous je ne peux vivre ;
Mais sachez le, mes mots seront toujours vivants
Plus hauts que tout, s’ils touchent le cœur d’un enfant.